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Fédération Wallonie-Bruxelles et Région Wallonne | Analyse des accords de gouvernement 2024-29

Analyse générale


Le 11 juillet 2024, les présidents du MR et des Engagés ont présenté les accords de majorité de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles à la presse. Lors de cette présentation, bon nombre de défis sociétaux ont passé la revue. Le racisme, le sexisme et l’homophobie étaient cependant aux abonnés absents.

Cela se confirme dans les déclarations de politique régionale et communautaire: elles ne contiennent qu’un nombre très restreint d’actions concrètes de lutte contre le racisme.
Puisque les gouvernements de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région wallonne sont constitués des mêmes partis, et que les déclarations de politique générale contiennent plusieurs passages identiques concernant la lutte contre les discriminations, nous les analysons ensemble.

Une logique de pompier-pyromane

Manifestement, le MR et les Engagés peinent à condamner inconditionnellement le racisme: les passages des accords de majorité qui condamnent le racisme mentionnent dans la foulée «l’agressivité contre les Occidentaux », « l’infériorisation des femmes, les discriminations de genre, la violence à l’égard des personnes LGBTQIA+, les crimes d’honneur, les mutilations génitales, les mariages forcés ou arrangés, etc. » 
S’il est bien entendu nécessaire de s’attaquer à ces phénomènes, ce passage vise et stigmatise clairement les groupes de population qui sont le plus impactés par le racisme. 
Dire que l’on entend lutter contre le racisme, mais le perpétuer en stigmatisant les principales cibles de ce racisme tient beaucoup de la logique du pompier-pyromane

S’attaquer aux violences vécues par toutes les femmes

La Coalition NAPAR salue la volonté des gouvernements de s’attaquer à la violence « physiques, sexuelles, psychologiques, économiques » faite aux femmes. Ces actions pourraient également être une porte d’entrée pour développer des mesures de lutte contre le racisme : de nombreuses femmes racisées subissent de nombreuses violences à la croisée du sexisme et du racisme.
Ici aussi, cependant, les gouvernements font preuve d’un manque de cohérence.

En effet, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles compte formaliser l’interdiction du port de signes convictionnels pour les enseignant.e.s de l’enseignement obligatoire du réseau officiel. Il est fort probable que les deux gouvernements en fassent de même pour la fonction publique. Pourtant, cette interdiction constitue une double violence qui impacte disproportionnellement les femmes racisées :
Une violence économique ; cela restreint fortement les débouchés professionnels de milliers de femmes racisées – non seulement dans l’enseignement et la fonction publique, mais également dans d’autres secteurs qui suivent l’exemple de l’Etat.
Une double violence psychologique: d’une part, ces femmes subissent les conséquences des préjugés qui sous-tendent cette décision. D’autre part, bon nombre d’entre elles disposent des compétences et de la motivation nécessaires mais sont contraintes de chercher du travail ailleurs. 

Enseignement, médias, sport: quelques mesures sans plus

Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles prend qtuelques timides mesures dans le domaine de l’enseignement, des médias et du spor: stimuler le devoir de mémoire, cordon médiatique contre les extrêmes, référents fair play et mesures de prévention de la violence dans le sport
Pour la culture et la fonction publiquerien ne semble prévu.
Quant au gouvernement wallon, il ne prevoit aucune action de lutte contre les discriminations pour le logement et l’emploi. Pourtant, il compte « mettre tout en œuvre pour atteindre l’objectif [de taux d’emploi] de 80% »  pour 2030. De même, il souhaite « faire de chacun un acteur de sa vie et de ses choix, conscient de ses obligations envers la société », activer plus rapidement les demandeurs d’emploi et « lever préalablement les freins sociaux et professionnels identifiés à l’insertion sociale et professionnelle » des personnes les plus éloignées de l’emploi.

La lutte contre la discrimination sur le marché de l’emploi constitue un levier majeur pour atteindre ces objectifs.

Conclusion

Les accord de gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région wallonne sont assez légers en matière de de lutte contre le racisme. Les gouvernements semblent globalement frileux à utiliser le terme « racisme » et à prévoir des actions concrètes qui s’attaquent directement au racisme. Ils préfèrent parler de référents « fair play », de cordon médiatique contre « les extrêmes », d’accès de « tous » à la culture… Ce n’est cependant pas en évitant de parler de racisme que ce fléau disparaîtra. 

En même temps plusieurs passages des déclarations de politique générale devraient permettre aux différents ministres d’agir de manière plus ambitieuse endéans leurs compétences. La Coalition NAPAR se tient à disposition des politiques pour réfléchir à la concrétisation d’actions ambitieuses, à même de faire reculer résolument le racism

Analyse par compétence

Intéressant
Que faudrait-il ajouter?
Stimuler les actions positives

Le gouvernement wallon peut jouer un rôle important en encourageant les entreprises privées à mettre en œuvre des actions positives.

Tests de situation juridiques

Nous invitons le gouvernement à demander aux inspections de mener des tests de situation proactifs et réactifs pour vérifier et sanctionner la discrimination à l’embauche

Tant le programme du MR que des Engagés contiennent des passages intéressants qui devraient permettre d’instaurer ces tests:

  • le MR est en faveur de « contrôles et de sanctions plus strictes pour les entreprises pratiquant la discrimination à l’embauche ».
  • Les Engagés veulent « développer des outils de testing et de datamining (emploi, logement, mais aussi accès aux soins…) des « statistiques explicatives », qui permettent d’isoler l’effet des différents facteurs influençant une variable. […] Généraliser les appels et candidatures mystères en cas de soupçons de pratiques discriminatoires dans une entreprise. […] Mener des contrôles de manière proactive et développer et simplifier les tests de situation portant sur les discriminations à l’embauche. […] Sanctionner financièrement les entreprises qui auraient des attitudes discriminatoires non justifiées liées au genre, à la culture, à l’âge ou au handicap. »
Intéressant
Augmenter le nombre de logements sociaux


Le gouvernement compte augmenter le nombre de logements publics, notamment via des partenariats public-privé, et en incitant « les villes et communes, pour la délivrance des permis d’urbanisme d’ensembles importants de logements, à contractualiser un ‘engagement Logement’, à savoir la mise à disposition d’un certain nombre de logements, suivant la taille du projet, à prix coûtant, à des opérateurs publics et assimilés. »

L’évaluation et l’optimisation « des différents dispositifs d’allocations-loyers existants


Nous espérons que cette évaluation et optimisation ira dans le sens de plus de justice sociale.

Que faudrait-il ajouter?
Des tests de situation juridiques

Il est nécessaire de mener des tests juridiques, c’est-à-dire, des tests qui peuvent aboutir à une sanction.Cette tâche pourrait être confiée à l’inspection du logement.

Un encadrement des loyers

La grille indicative des loyers actuelle  n’est pas contraignante et manque donc d’impact.Le gouvernement pourrait mettre en place un mécanisme plus contraignant pour garantir des logements abordables.

Stimuler la création de terrains de transit et de terrains résidentiels pour les gens du voyage

Actuellement, le gouvernement wallon prévoit un soutien financier pour les communes en vue de l’installation de terrains de transit et de terrains résidentiels pour les gens du voyage.

Dans sa réponse à une question parlementaire en octobre 2024, la ministre a cependant indiqué que peu de communes font appel à ce dispositif.

Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour encourager les communes à garantir le droit au logement des gens du voyag

Intéressant
Financement structurel

L’intention des gouvernements de la Région Wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles de favoriser le financement structurel pour les associations de la société civile pour des périodes de cinq ans répond à une demande de longue date de celle-ci.

Par contre, supprimer par la même occasion les enveloppes des différents ministres pourrait avoir des effets désastreux pour toutes les organisations qui n’auront pas été agréés pour un financement structurel – elles se verraient de fait exclues de financement.

Nous proposons d’impliquer les associations – et en particulier les petites associations qui peinent à obtenir des financements – dans l’analyse préparatoire de la refonte du subventionnement.

Que faudrait-il ajouter?
Le lancement des Conseils consultatifs de lutte contre le racisme

Il est nécessaire de mener des tests juridiques, c’est-à-dire, des tests qui peuvent aboutir à une sanction.Cette tâche pourrait être confiée à l’inspection du logement.En termes d’implication de la société civile, le gouvernement wallon précédent, dont faisait partie le MR, avait voté un décret définissant les contours d’un conseil consultatif de lutte contre le racisme. Ce conseil, composé pour la moitié d’organisations de la société civile, aura pour mission de conseiller le gouvernement en matière lutte contre le racisme.

La Fédération Wallonie-Bruxelles, pour sa part, n’avait pas voté de décret.

Nous appelons les gouvernements à constituer ces conseils dès le début de la législature, en veillant à bien équilibrer sa composition :

organisations généralistes de lutte contre le racisme au moins une organisation spécialisée pour chaque principale forme de racisme: antisémitisme, afrophobie, islamophobie, racisme anti-migrants, romaphobie…

Un engagement à réunir régulièrement le Comité de suivi des plans d’action contre le racisme

La volonté de d’évaluer les politiques publiques devrait permettre de poursuivre le monitoring des plans d’action contre le racisme et des autres mesures de lutte contre le racisme. Il est positif que les gouvernements comptent impliquer les parties prenantes et des bénéficiaires.


Nous proposons dès lors d’élargir les comités de suivi des plans d’actions de lutte contre le racisme afin d’impliquer davantage d’acteurs de la société civile.

Intéressant
Le cordon sanitaire médiatique contre l’extrême-droite

Nous saluons le fait que le gouvernement souhaite renforcer le cordon sanitaire médiatique envers l’extrême-droite et d’autres formes d’extrémisme.

Le racisme et la haine ne sont cependant pas le monopole de certains partis ou groupuscules extrêmes.

Nous attendons du MR et des Engagés, mais également des autres partis, de se montrer intransigeants par rapport aux propos racistes de la part de leurs propres membres.

Il s’agira aussi de vérifier l’impact de chaque propositions de décret sur les droits humains – en particulier sur les droits fondamentaux des personnes issues de minorités. Mener des politiques qui enfreignent les droits humains tout en défendant un cordon médiatique contre les extrêmes qui remettent en question ces mêmes droits, ne serait guère crédible.

Que faudrait-il ajouter?
Des objectifs chiffrés et des actions positives pour les médias publics

Il est nécessaire de mener des tests juridiques, c’est-à-dire, des tests qui peuvent aboutir à une sanction.Cette tâche pourrait être confiée à l’inspection du logement.Des objectifs chiffrés et des actions positives pour les médias publicsLors d’une réunion au sujet des avancées du plan d’action contre le racisme de la FWB (printemps 2024), l’administration a signalé qu’il était très sensible d’inclure dans le contrat de gestion de la RTBF de mesurer la diversité à l’écran. Or, il est essentiel de s’assurer que les médias reflètent la diversité des points de vue présents dans la société, tant au sein du personnel qu’à l’écran.

Nous demandons de prévoir ces mesures et de les accompagner d’objectifs chiffrés et d’actions concrètes pour les atteindre.

Intéressant
La désignation « d’un référent ‘fair-play’ dans chaque fédération sportive

Il sera essentiel que ce référent soit formé à l’accueil de personnes qui ont été la cible de racisme ou de discriminations, ainsi qu’à la dimension structurelle et institutionnelle du racisme.

Lier la labellisation d’un club aux mesures en matière de prévention et de sanction de la violence dans et autour des terrains.

Ces mesures de prévention devraient aussi prévoir un chapitre spécifique pour la prévention du racisme.

L’analyse et le contrôle permanent du respect de l’éthique dans le sport » par l’observatoire éthique

Nous proposons de prévoir les formations nécessaires pour le personnel de l’observatoire éthique et les référents en matière de lutte contre le racisme.

De plus, il faudra veiller à ce qu’ils accordent la priorité nécessaire à cette thématique.

La poursuite de l’action entamée via le décret « Ethique » de 2021, notamment à travers les référents et délégués instaurés dans les clubs et fédérations pour répondre à ces objectifs.

Ces mesures de prévention devraient aussi prévoir un chapitre spécifique pour la prévention du racisme.Voir l’action précédente.

Lire le décret éthique.

Que faudrait-il ajouter?
Des ations positives

Le gouvernement devrait stimuler les fédérations et les clubs de sport à augmenter le nombre d’entraîneurs et de personnes racisées au sein des directions de clubs sportifs. Les actions positives sont intéressantes à cet égard.

Intéressant
Que faudrait-il ajouter?
Une permission des signes convictionnels pour les fonctionnaires

Les gouvernements ne se prononcent pas explicitement à ce sujet pour la fonction publique, mais les Engagés et le MR prévoient d’interdire le port de signes convictionnels pour les enseignant.e.s de l’enseignement officiel.

En vue d’atteindre un taux d’emploi de 80%, il est primordial de faciliter l’accès à un emploi pour les femmes racisées qui portent un signe convictionnel. Il y a presque toujours de meilleures manières qu’une interdiction pour rassurer les usagers sur l’impartialité de la fonction publique.

Des actions positives

Les gouvernements devraient prévoir des objectifs chiffrés et des actions positives pour recruter davantage de personnes racisées.

S’attaquer structurellement au racisme

L’administration gagne à développer des mesures de prévention et de lutte contre le racisme au sein des administrations même.

Intéressant
Stimuler le devoir de mémoire


La formation continue des enseignant.e.s
L’idée de miser sur la formation continue des enseignants en mettant notamment la priorité sur « l’éducation aux médias […]la gestion des classes (en particulier multiculturelles), la montée des extrémismes et le harcèlement scolaire » est à souligner.

Nous demandons qu’une formation sur les formes structurelles et institutionnelles de racisme dans l’enseignement soit également dispensée.

Repenser le processus d’orientation vers l’enseignement spécialisé


Un pas dans la bonne direction… pour peu que l’on s’attaque aux causes de la surreprésentation de personnes racisées et de milieux populaires dans le spécialisé.

Faciliter l’équivalence des diplômes


La facilitation de l’équivalence des diplômes fait partie des objectifs du gouvernement, en particulier pour les soins de santé.

Nous invitons à également faciliter l’équivalence de diplômes étrangers pour d’autres secteurs que les soins de santé, qu’il s’agisse de métiers en pénurie ou non.

Que faudrait-il ajouter?
Des mesures pour diminuer la relégation scolaire des groupes fragilisés

.L’objectif du gouvernement de réformer le Pacte d’Excellence en raccourcissant le tronc commun, n’a pas quoi de rassurer. L’instauration du tronc commun jusqu’en troisième secondaire était une mesure phare pour lutter contre la relégation scolaire.

De nombreuses recherches démontrent qu’un long tronc commun favorise une réelle méritocratie – principe cher aux deux partis de la majorité.

Heureusement, le gouvernement prévoit l’évaluation « des mesures implémentées par les chantiers, leurs impacts sur les apprentissages des élèves » et la prise en compte « des principes de qualité et d’équité de l’enseignement ».

Nous invitons à étudier de près l’impact d’une réforme de la troisième année secondaire sur les élèves les plus fragilisés – élèves en situation de précarité, élèves racisés.

Des politiques pour s’attaquer à la discrimination dans l’orientation scolaire

Les inspections pourraient être mandatées pour examiner les mesures prises par les équipes scolaires pour réduire l’impact des préjugés lors des cours et de l’orientation scolaire.

Des mesures structurelles pour diminuer la discrimination à l’inscription

Un registre d’inscription centralisé contribue à réduire cette discrimination. Le fait de vérifier si les caractéristiques des élèves sont enregistrées correctement (langue parlée à la maison, caractéristiques socio-économiques) peut également réduire le risque de discrimination.

Intéressant
L’intention de rendre la culture « accessible pour toutes et tous, partout et à tout âge »

Il s’agira de prendre en compte les obstacles spécifiques auxquels différents groupes de populations racisées sont confrontés pour accéder à la culture, mais également pour être pleinemeant acteurs du monde culturel.

Que faudrait-il ajouter?
Stimuler la diversité et l’inclusion au sein du monde culturel

Par le biais de sa politique de subvention, le gouvernement est en mesure de poser des conditions sur le fonctionnement interne des centres culturels et d’autres acteurs du monde culturel. L’une de ces conditions pourrait consister en la mise en oeuvre d’actions pour inclure davantage de personnes racisées au sein des conseils d’administration, directions, assemblées générales et du personnel.

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